Oui, merci de te casser le bol à aller les chercher dans les replis des collines volcaniques des hautes terres d'Auvergne.
A la ferme "d'en haut", là où le chemin d'accès est sinueux et sans issue. Et là où l'on te laisse seul dans la cuisine qui sent encore la café du matin, tandis que l'on descend les marches humides qui mènent à la cave, le temps de remonter avec les bras chargés.
Un vieux chien au membres raidis, s'étale sous la table. Il t'observe l’œil résigné. Depuis quelques hivers déjà, il a renoncé à se lever pour t'accueillir, et à courir sur le chemin pour te raccompagner, histoire de jouer à mordiller des pneus neufs.
Les minutes s'égrainent lentement au tic-tac du balancier de l'horloge ancienne. La nappe usée, de toile cirée tendue par des baguettes, accueille maintenant tes fromages. Ils y seront soigneusement emballés un par un, dans des exemplaires à peine jaunis de "La Montagne", parce que "C'est meilleur !", te glisse t-on avec un sourire malicieux.
On te sert un café brulant. Il a déjà bouilli au moins trois fois, depuis l'heure de la traite.
Tu portes à tes lèvres une tasse en porcelaine "du mariage", aux motifs palis, alors que tu devises sur la météo, décidément humide cette année, et que même que si ça continue, il n'y aura pas d'hiver.
Les billets neufs à peine sortis, sont prestement escamotés. Sauf ces drôles de billets de cinq euros, que l'on ne connaissait pas encore, et sur lesquels on s’attarde un peu. Un peu de curiosité, un petit fond de méfiance. Sait on jamais...
Il est déjà l'heure de repartir. La lourde porte en chêne claque dans ton dos, alors que tu t'éloignes vers ton Land.
Son habitacle sent maintenant un peu le chien mouillé, mais là, tu sais que ça vient de ton chargement...
Tu penses au sourire de la vieille, à celui des copains qui t’accueilleront dans quelques heures. Tu ne peux réprimer une ébauche de larme, que tu écrases rapidement d'un revers de manche.
Il est tard déjà, et la route est longue, encore.